Les mers 1° Les Oiseaux marins Les mers constituent dans leur ensemble un milieu très complexe et d'une productivité très élevée aux différents niveaux trophiques. L'énergie solaire fixée par les Algues microscopiques et les Diatomées est transférée à d'innombrables animaux aux populations très denses. Le zooplancton est formé de très nombreuses espèces, aux dépens desquelles vivent des animaux plus gros. Crustacés et Poissons sont des maillons essentiels de chaînes alimentaires très prospères. A leurs sommets se trouvent les grands Poissons carnivores, les Mammifères marins et des Oiseaux hautement spécialisés. Ces communautés sont à l'origine déterminées par les conditions physiques du milieu. Bien que les Vertébrés aient une lointaine origine marine, les Oiseaux ont tous évolué sur la terre ferme. Très vite, certains d'entre eux se sont tournés vers la mer pour profiter de ses ressources. La plupart des Oiseaux les plus anciennement connus sont des espèces marines (ce qui s'explique aussi en partie en fonction des facilités plus grandes de fossilisation), et c'est parmi les Oiseaux marins actuels que l'on trouve les types les plus primitifs (Manchots, Pélécaniformes, Laridae); les Oiseaux les plus évolués, et notamment les Passereaux, sont résolument terrestres. Les Oiseaux, tous forcés de venir sur le sol pour déposer leurs neufs, sont de ce fait même liés à la terre ferme pendant une partie de l'année; comme l'a dit Murphy, un Oiseau se nourrit où il veut, mais niche où il peut. De plus, à part les Manchots, incapables de voler et passant une partie de leurs cycles annuel et journalier dans l'eau, les Oiseaux les plus pélagiques sont néanmoins avant tout des animaux aériens; ils sont la plupart du temps au vol, bien qu'ils soient capables de nager et de plonger. Si l'on fait abstraction de groupes ne fréquentant la mer que d'une manière occasionnelle ou au cours de l'hivernage (comme les Grèbes, les Plongeons, certains Canards et Oies, et les Limicoles), pas moins de 267 espèces d'Oiseaux sont primairement marines (ce quine représente toutefois que 3%au plus des espèces aviennes, alors que les mers occupent .70% de la surface de la planète). Elles appartiennent aux groupes systématiques suivants (leur nom est précédé d'un astérisque quand tous les représentants sont exclusivement marins): * Spheniscidae (Manchots) * Diomedeidae (Albatros) * Proceliarüdae (Pétrels, Puffins) 'Hydrobatidae (Pétrels‑tempête) Pelecanoididae (Pétrels plongeurs) Pélécaniformes * Phaethontidae (Phaétons) Lariformes Pelecanidae (Pélicans) * Sulidae (Fous) Phalacrocoracidae (Cormorans) * Fregatidae (Frégates) Stercorarüdae (Skuas) Laridae (Mouettes, Sternes) Rhynchopidae (Becs‑en‑ciseaux) * Alcidae (Pingouins, Guillemots) Même parmi les groupes dont la répartition s'étend aux eaux douces, une forte proportion des espèces tend à la vie marine. C'est le cas, entre autres, des Laridae: à part quelques espèces, comme la Mouette rieuse, la plupart des Mouettes et Goélands (Lares) sont marins. II en est de même des Sternes, parmi lesquelles seules quelques espèces tropicales et les Guifettes (Chlirlonias) sont dulçaquicoles, et des Cormorans, dont la majorité fréquente les bords de la mer. En revanche, tous les Manchots (qui ne seront toutefois pas étudiés ici, car ils appartiennent au monde polaire, qui fait l'objet du chapitre II), tous les Albatros et Pétrels, les Frégates, les Phaétons, les Fous et tous les Alciformes sont rigoureusement inféodés aux eaux salées, dont ils ne s'écartent jamais. Ces Oiseaux forment l'essentiel des communautés d'Oiseaux marins et en sont les représentants les plus caractéristiques. A ces types entièrement ou en grande majorité marins, il convient d'ajouter les représentants isolés de groupes surtout terrestres ou d'eau douce, devenus secondairement marins. Les Eiders et les Macreuses parmi les Anatidae et quelques Aigrettes parmi les Ardeidae prélèvent leur nourriture parmi les ressources marines tout au long de l'année, et beaucoup vivent en mer en dehors de la saison de reproduction. D'autres, tels que des Grèbes, des Plongeons, des Canards, quelques Oies et les Phalaropes, se tiennent en mer uniquement pendant leur hivernage. Bien que n'intervenant pas d'une manière aussi importante que les groupes évoqués précédemment, ces Oiseaux fort incontestablement partie des biocénoses marines pendant une partie de l'année, du fait que temporairement ils en tirent profit pour leur alimentation.
ZONE AUSTRALE. La zone australe entoure tout le continent antarctique et s'étend sur les mers froides de l'hémisphère Sud. On la divise en deux zones que sépare la convergence antarctique, frontière océanographique très nette. Au sud de cette ligne, les eaux sont froides (de -1° A + 3° 5 en été) et peu salées (du fait de la fonte des glaces et de précipitations importantes que ne compense pas l'évaporation); mais, si la salinité globale n'est que de "ordre de 33% la teneur en azote et en phosphate est élevée et l'oxygène près de la saturation. La température des eaux s'élève bien entendu progressivement quand on va de l'Antarctide vers le nord. Mais à la limite de la convergence antarctique on observe une augmentation brusque de la température Cette ligne marque la
ligne des glaces flottantes, qui souvent s'arrête même en deçà). Au-delà de
cette convergence se trouve la zone subantarctique, dont les eaux sont plus
chaudes (de 5 °à 14° 5 en été), plus salées (34 à 34,5 %) et encore
riches en phosphate et en azote.
ZONES SUBTROPICALE ET TROPICALE. Zone subtropicale. La limite nord de la zone subantarctique est formée par la convergence subtropicale, limite beaucoup moins nette que la convergence antarctique. Au‑delà, les mers sont plus chaudes, allant de 15' S à 23° au nord, et plus salées (35 °/°° en moyenne); mais la concentration en azote et en phosphate diminue en même temps que la teneur en gaz dissous. Ces eaux, moins favorables au plancton, sont de ce fait moins riches, et les communautés qui s'y sont établies moins prospères. Le nombre d'espèces d'Oiseaux y est nettement inférieur, de même que le nombre d'individus. Tous les Oiseaux antarctiques ont disparu; en revanche, certains Pétrels sont propres à cette zone. Zone tropicale. Plus au nord, la température des eaux augmente encore, atteignant 29' à l'équateur, en même temps que la salinité s'accroît. La concentration en azote et en phosphate est cependant très basse. Ces mers sont de ce fait pauvres en plancton et n'abritent que des biocénoses relativement simples et très spécialisées. Les Oiseaux sont peu abondants (en dehors de circonstances particulières); et dans l'ensemble ils se concentrent sur les plateaux continentaux, évitant la haute mer. Ils comprennent une série d'espèces propres à la zone intertropicale: quelques Sternes, en particulier les Nodis (Anous) et les Sternes blanches (Gygès), les Frégates, les Phaétons, des Fous et quelques Albatros propres aux mers chaudes du Pacifique. ZONES TEMPÉRÉE, BORÉALE ET ARCTIQUE. En remontant vers le nord, la température des eaux marines s'abaisse à nouveau en mémo temps que diminue leur salinité et qu'augmente la teneur en gaz dissous. Une biomasse consommable beaucoup plus importante permet à une avifaune plus riche de se maintenir. En fait, les Oiseaux des meus arctiques froides sont nombreux et bien diversifiés. Les groupes les plus représentatifs sont les Goélands, les Stercoraires, quelques Sternes (dont la Sterne arctique Sterna paradisea), des Cormorans et surtout les Alcidae: Macareux, Pingouins et Guillemots, en plus de quelques Pétrels et Pétrels tempête. L'avifaune arctique représente presque aucune affinité avec son homologue antarctique. Quelques espèces ont certes une distribution bipolaire, de part et d'autre de la zone intertropicale, d'où ils sont absents. C'est le cas du Fulmar, représenté par 2 espèces, l'une arctique, Fulmarus glaciales, l'autre.antarctique, F. glacialoides, et des Fous du sous‑genre Morus, représentés dans l'Atlantique Nord par le Fou de Bassan Sula bassana et dans l'hémisphère Sud par le Fou du Cap S, capensis et par le Fou de Nouvelle‑Zélande S. serrator. Tous les autres sont très nettement différents et appartiennent à des groupes systématiques sans parenté proche. Ces deux ensembles faunistiques présentent cependant certaines ressemblances dues à des convergences. Des milieux relativement similaires, comportant des niches écologiques homologues, ont permis la différenciation, à partir de stocks originels distincts, de formes présentant certaines similitudes dans leur allure aussi bien que dans leurs moeurs et la glace qu'elles occupent dans les biocénoses. Ainsi les Mergules, Macareux et Pingouins de petite taille sont les équivalents des Pétrels plongeurs antarctiques, les uns ayant évolué à partir des Mouettes (ou de leurs ancêtres), les autres à partir des Pétrels. Certains Oiseaux de la zone arctique ont une distribution circumboréale du fait que les mêmes conditions écologiques se retrouvent aux mêmes latitudes tout autour du pôle. C'est le cas de la Sterne arctique Sterna paradisea, qui niche aussi bien en Amérique qu'en Eurasie. On observe cependant des localisations plus étroites, en rapport avec la disposition des terres et des océans dans l'hémisphère Nord. C'est le cas des Alcidae. Relativement mal représentés dans l'Atlantique, ces Oiseaux sont remarquablement diversifiés dans le Pacifique Nord, atteignant le stade générique (Brachyramphus, Endomychura, Synthliboramphus, Ptychoranrphus, Cyclorrhjnchus, Aethia, Cerorlrinca;, en accord avec leur isolement dans cette partie des mers boréales.
ZONES PARCOURUES PAR
DES COURANTS. Les étendues r nes peuvent donc être divisées en un certain
nombre de z plus ou moins concentriques et parallèles à l'équateur
confondant avec les zones climatiques. Mais cette situa théorique subit
d'importants remaniements du fait de l', tence de courants marins et de
remontées d'eaux profon Les courants froids sont particulièrement
importants, not ment ceux qui charrient leurs eaux de l'Antarctique à l'éc
teur, entraînant de véritables bouleversements climatique océanographiques.
abondants. Nichant sur des endrots déserts en colonies se chiffrant par millions d'individus (les îles Chinchas, au large du Pérou, comptent à elles seules 4 ou 5 millions de Cormorans), ces trois Oiseaux sont les producteurs du guano, engrais réputé du fait de sa teneur en azote. La production annuelle moyenne est de 250 000 tonnes au Pérou, chiffre qui indique à lui seul la richesse des biocénoses marines de ces eaux froides. En créant une situation océanographique anormale à de basses latitudes, le courant de Humboldt permet également d'expliquer certaines distributions à première vue paradoxales et la remontée vers le nord d'espèces caractéristiques de l'Antarctique. En dehors de plusieurs Pétrels, l'exemple le plus frappant est celui des Manchots, Oiseaux propres aux eaux antarctiques froides dont les représentants spécialisés se sont établis au Pérou (Spheniscus humboldti) et même aux îles Galapagos (S, mendiculus), soit sous l'équateur et même un peu au‑delà. Du fait du mélange de courants froids et chauds dans les mers baignant ces îles, on peut ainsi voir vivant côte à côte des représentants de la faune antarctique et des Fous et Frégates propres à la zone tropicale. Une situation analogue se retrouve dans toutes les régions où des courants et des remontées d'eaux froides ont entraîné des remaniements de la situation théorique. Adaptations des oiseaux au milieu marin Pour vivre dans le milieu marin, les Oiseaux doivent présenter un certain nombre d'adaptations aussi bien morphologiques qu'écologiques. La mer leur offre des conditions atmosphériques très particulières, la seule surface où se poser agitée par les vagues, le manque d'abri et une nourriture très spécialisée, riche en sel. Nous avons vu comment les Oiseaux s'étaient adaptés à la natation et à la plongée Il suffira de rappeler que toutes les espèces marines ont les pattes palmées, en vue de la locomotion aquatique. Certains Oiseaux voient véritablement sous l'eau, tels les Manchots, aux membres antérieurs transformés en ailerons. Les Macareux et les Pétrels plongeurs se servent également de leurs ailes pour progresser en plongée, ce qui les empêche d'ailleurs de voler avec aisance; ü existe un conflit manifeste entre les qualités d'un organe propulseur aquatique et une aile destinée à soutenir un Oiseau au vol. Beaucoup d'autres Oiseaux ne se servent que de leurs pattes pour nager, en maintenant leurs ailes repliées contre le corps. On rappellera par ailleurs que le plumage des Oiseaux marins, comme celui des Oiseaux
Les conditions océanographiques entraîne des fluctuations importantes dans les biocénoses et dans la biomasse consommable. De ce fait, les Oiseaux marins sont contraints de répondre aux fluctuations du milieu par des déplacements saisonniers. Certains se rangent parmi les Oiseaux au tempérament le plus nettement migrateur. Ces changements d'habitat ont aussi pour effet d'éviter la déplétion d'un stock de proies déterminées en un lieu donné. Une dispersion à plus ou moins grande échelle à travers les mers conduit à une meilleure utilisation des ressources de l'ensemble du milieu marin, et pas seulement des approches des lieux auxquels les Oiseaux sont liés au moment de leur reproduction. Les modalités des déplacements saisonniers permettent également de diviser les Oiseaux de mer en deux catégories. Les Oiseaux littoraux se dispersent plus ou moins largement en s'étendant vers la haute mer, mais ils suivent surtout les limites des eaux littorales auxquelles ils sont liés. Les Oiseaux pélagiques se livrent en revanche à des migrations à bien plus grande échelle, pour certains même à l'échelle des océans, comme c'est le cas des Puffins majeurs dans l'Atlantique, des Puffins à bec grêle dans le Pacifique. Les grands Albatros tournent autour du globe à travers les océans antarctiques. Le milieu
polaire de substrat à la nidification des Oiseaux; il est surtout répandu dans l'Antarctique, bien que non absent de l'Arctique. L'autre est terrestre, les animaux trouvant leur subsistance ailleurs que parmi les ressources marines; il est pratiquement absent de l'Antarctique. Le milieu polaire antarctique Le milieu polaire marin peut être étudié avant tout dans l'Antarctique, en ~ raison du caractère particulier de cette partie du monde. L'habitat le plus intéressant se trouve le long des 32 000 km des côtes de l'Antarctide, que les Oiseaux ne quittent en pratique que rarement pour aller loin vers l'intérieur, la mer constituant leur unique source de ravitaillement. L'énorme calotte glaciaire se termine dans la mer par des falaises verticales et les fronts des glaciers. La glace de mer se forme pendant l'hiver, parfois en été sous les hautes latitudes, et atteint 1 m à 1,50 m d'épaisseur. Elle constitue d'immenses champs emprisonnant les icebergs d'origine continentale et doublant la surface du continent antarctique pendant l'hiver. Cette banquise est remaniée par les courants marins; crevassée, elle forme par endroits un chaos inextricable. Elle comporte des fissures et des étendues limitées d'eau libre, même en plein coeur de l'hiver. Pendant l'été, la glace de mer se disloque, et une gigantesque débâcle l'entraîne dans une dérive générale vers l'ouest et parfois vers le nord. L'eau est alors libre devant la côte, entre des icebergs et des morceaux de banquise disloquée. Il existe ainsi un cycle annuel des glaces de mer. A une période de prise de la glace de mer, formant avec le continent un immense bloc de glace interrompu seulement çà et là par des crevasses et des trous d'eau libre, s'oppose une période de débâcle où la mer est libre, simplement parsemée de glaces flottantes. La durée relative des deux phases est variable suivant les secteurs. Ces faits sont d'une importance capitale dans la biologie des Manchots, car la glace commande les possibilités de passage entre l'air et l'eau, où ces Oiseaux trouvent leur subsistance. Le climat régnant dans ce milieu est extrêmement rude. Il est avant tout caractérisé par de très basses températures. Sur les côtes, les maximums journaliers dépassent parfois 0en été, mais les températures sont malgré tout presque constamment négatives (en terre Adélie, les moyennes du mois le plus chaud (décembre) varient entre ‑0 a 5°et ‑20 )5). Ces conditions s'opposent ainsi au véritable été arctique. L'effet de ces basses
températures est considérablement aggravé par les vents violents soufflant
en permanence dans la région antarctique et constituant sans aucun doute le
trait dominant des climats de cette région. Des vents atteignant 180 km/h
ont été signalés; leur moyenne s'établit souvent entre 60 et 80 km/h. Par
ailleurs, ils transportent des particules arrondies de glace constituant le
blizzard. Avec un vent de 126 km/h, on a mesuré que 10 tonnes de glace sont
transportées en 1 heure au-dessus de 1 m de longueur au sol; jusqu'à 2,6
tonnes de glace passent en 1 heure à travers une surface de 1 m=
perpendiculaire au vent. Le séjour à la côte du Manchot empereur ne dure pas En terre Adélie, les premiers Manchots arrivent au mois de mars, au moment où l'emplacement futur de la colonie se couvre de glace de mer; d'abord isolément, puis par groupes de plus en plus importants comptant jusqu'à 500 individus qui avancent en procession. L'arrivée s'échelonne sur tout un mois. Les Manchots sont alors remarquablement gras, un mâle pouvant avoir plus d'une dizaine de kilos de réserves lipidiques. La recherche du partenaire et la pariade interviennent ensuite et se prolongent jusqu'en mai. Les partenaires d'un même couple demeurent ensemble jusqu'à la ponte, qui se poursuit jusqu'au début juin. La femelle recueille l'unique neuf sur ses pattes et le place dans une sorte de poche incubatrice que fait un repli de son ventre. Aucun nid n'est en effet construit. nul matériau de nidification n'étant d'ailleurs disponible. Les deux partenaires se livrent alors à une sorte de parade, au cours de laquelle la femelle passe l'oeuf au mâle, qui le recueille à son tour dans sa poche incubatrice. La femelle part immédiatement pour la mer, ce qui empêche toute ponte de remplacement en cas de perte de l'oeuf. A ce stade, les Oiseaux n'ont pris aucune nourriture depuis 45 à 50 jours, et les femelles seraient sans doute incapables d'élaborer un autre sauf d'une telle taille (117 à 132 mm X 80 à 90 mm en moyenne; le poids moyen est de 447 g, mais peut atteindre 550 g). Elles ont perdu 5 à 10 kilos depuis leur arrivée à la colonie, soit de 17 à 30% de leur poids initial. Les mâles assurent seuls l'incubation de l'oeuf, qu'ifs tiennent précieusement sur leurs pattes pour l'isoler du substrat glacé et qu'ils recouvrent de leur repli ventral, formant une véritable couveuse artificielle. Ils se déplacent avec peine, du fait du fardeau qui encombre leurs pieds, mais se mettent en tortue dès que le temps s'aggrave. Les mâles ne prennent pas de nourriture pendant toute la durée d'incubation, qui est de 62 à 66 jours, se contentant de manger de la neige pour faire face à leurs besoins en eau. La colonie est alors calme et les Oiseaux très passifs, leur long jeûne les obligeant à une vie ralentie. Les femelles reviennent de 60 à 70 jours après être parties se nourrir en mer libre, soit après le 20 juin environ. Elles recherchent leur partenaire en cheminant à travers la colonie et le reconnaissent vraisemblablement à des critères acoustiques en émettant un « chant » auquel le mâle répond. Dès qu'elle l'a retrouvé, les deux conjoints se livrent à une parade mutuelle, et elle prend sur ses pattes l'oeuf ou le poussin éclos. Les mâles sont alors épuisés
par un jeûne qui a duré 3 mois et parfois beaucoup plus. Leur perte de poids
est de 12 à 15 kilos et peut même, dans certains cas, atteindre 50 % du
poids initial. Ils partent alors vers la mer pour se ravitailler. Le milieu polaire des mers
arctiques Les Annélides n'interviennent que peu dans les régimes, bien que tous Oiseaux en prélèvent à l'occasion (surtout les Macareux Notons que le monde arctique
comporte comme prédateurs d'oeufs et de jeunes Oiseaux le Skua et le Goéland
bourgmestre Le Pingouin niche
principalement sous des blocs rocheux dans des anfractuosités. D'autres
Guillemots nichent contraire à l'air libre, ne recherchant pas un abri
contre le froid, auquel ils ne paraissent pas sensibles, probablement
du fait même de leur taille. Les Macareux nichent dans véritables terriers
creusés dans 1e sol à l'aide de leur solide fonctionnant comme une pioche,
atteignant une fondeur de 2 ou 3 mètres, parfois plus. Ces terriers
permettent de bénéficier d'un microclimat favorable, d'autant plus qu'ils
sont généralement excavées dans des sites bien ensoleillés, exposés au sud. Les milieux polaires
terrestres Les Oies, les Bernaches et les Cygnes sont nombreux dans les toundras, qui constituent leur habitat de nidification préféré. Les Plongeons (Gavia) sont également typiquement arctiques. Bien que moins
nombreux, les Oiseaux vivant aux dépens des ressources terrestres forment
des communautés assez prospères. Bergeronnettes, Pipits, Alouettes hausse‑col Eremophila alpestris, Traquets motteux Oenanthe
oenanthe, Gorges‑bleues Luscinia srecica, Grives, Pouillots
(dont des espèces spécialisées comme le Pouillot boréal
Phylloscopus borealis), Bruants, parmi lesquels le Bruant
lapon Calcarius lapponicus et le Bruant des neiges
Plectroplrenax nivalis et plusieurs Linottes et Sizerins (Canduelis)
exploitent les végétaux et les Insectes. On remarquera que ces Arthropodes
jouent un rôle considérable dans l'écosystème terrestrepolaire. C'est
notamment à leurs dépens que vivent la plupart des Limicoles au cours de la
reproduction, même ceux qui se convertiront en mangeurs de Crustacés et de
Mollusques au cours de leurs migrations ou de l'hivernage (les Diptères (Chironomidés
et Tipulidés) et leurs larves sont particulièrement importants en tant que
ressources alimentaires). toundra. On peut ainsi voir vivre côte à côte des Oiseaux hautement spécialisés comme les Bruants arctiques, le Harfang et le Gerfaut, et des ubiquistes comme le Traquet motteux. Dans un district de Laponie suédoise, l'espèce dominante était le Pipit farlouse Anthus pratensis, à très vaste distribution en Europe tempérée, formant plus de 50 j de la population totale (Alm et coll., 1966). Il convient de signaler que cette avifaune est malgré tout peu diversifiée, du fait de la rigueur des conditions du milieu. Le milieu terrestre arctique est caractérisé, nous l'avons vu, par l'alternance d'une longue saison rigoureuse et d'une courte saison favorable. De ce fait, les conditions physiques et biotiques du milieu décrivent des fluctuations d'amplitude considérable. La biomasse consommable, aussi bien les végétaux que les Invertébrés aquatiques ou aériens, varie dans d'énormes proportions. A un pic relativement élevé, mais de faible durée, succède un minimum extrêmement bas, voire nul. De plus, 1a nourriture subsistant pendant l'hiver est inaccessible à la plupart des Oiseaux, du fait de la neige et du gel des étendues d'eau. Aussi les Oiseaux ont‑ils dû s'adapter à ces conditions en concentrant au maximum leur période de reproduction. Les différentes phases de la reproduction sont accélérées, et leur chronologie est telle que l'élevage des jeunes se place à la période la plus favorable, quand la biomasse consommable est à son apogée. C'est ainsi que beaucoup d'Oiseaux arctiques arrivent sur leurs terrains de reproduction déjà appariés et les femelles fécondées. Leur arrivée suit de peu la fonte des neiges, selon ses fluctuations d'année en année. La nidification commence immédiatement. Cette chronologie a notamment été observée dans le cas de l'Oie de Ross Anser rossi dans le nord du Canada (Ryder, 1967). Le succès des nichées est très variable en fonction des conditions météorologiques (Bengtson, 1963).
Ce
raccourcissement de la période de reproduction est sans doute en relation
avec le jour continu qui règne pendant l'été à ces latitudes élevées (Karplus,
1952). Les Passereaux manifestent un rythme nycthéméral particulier, la
période d'activité étant considérablement prolongée par rapport à celle de
leurs homologues nichant à des latitudes plus basses où la nuit vient
interrompre leurs activités. Cette activité prolongée leur permet de bien
plus fréquents nourrissages pendant un cycle de 24 heures, ce qui provoque
une croissance accélérée des jeunes et un envol plus précoce. La durée de
séjour au nid des jeunes d'un couple de Merles migrateurs Turdus
migratorius n'est que de 9 jours en Alaska, par 69° 23' de latitude
nord, alors qu'elle est en moyenne de 13,2 jours dans la zone tempérée.
Pendant cette période raccourcie, le nombre de nourrissages est du même
ordre degrandeur que dans le cas des nicheurs plus méridionaux, du fait de
l'augmentation de la période d'activité journalière.
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