Le
coucou est renommé pour son chant singulier, il se distingue également par
une autre particularité, moins connue, consistant à camoufler ses œufs dans
les nids d’autres volatiles. En effet, bien que la plupart des espèces de
coucous élèvent leurs petits, certaines, dites espèces « parasites »,
dérogent à la règle et laissent à d’autres le soin de cette charge. Si rares
sont les oiseaux à développer ce comportement, les coucous ne sont,
toutefois, pas les seuls concernés. Au total, sept groupes d’oiseaux
auraient ainsi adopté cette manie, dont certaines espèces de canards.
Ce phénomène passionnant ornithologues et spécialistes de tous horizons, une
équipe de chercheurs de l’université de Cambridge au Royaume-Uni s’est
intéressée aux mécanismes permettant à un oiseau de déterminer si un œuf
présent dans son nid est le sien (1). Pour les besoins de ce projet, les Drs
Claire Spottiswoode et Martin Stevens se sont donc rendus en Afrique afin de
mener des expériences à même le terrain. Ils ont concentré leurs recherches
sur deux espèces d’Afrique australe, l'anomalospize parasite (Anomalospiza
imberbis), espèce de coucou, et la prinia modeste, un hôte de prédilection.
L’attention s’est portée sur ces deux espèces en raison de l’ancienneté de
leur cohabitation sur le continent africain, vieille de 20 millions
d’années. Jusqu’alors, les précédents travaux sur cette forme de parasitisme
avaient uniquement concerné des espèces relativement jeunes d’un point de
vue évolutif.
Les conclusions ont démontré un renforcement du
phénomène. Ainsi, d’après les scientifiques : « Il semble que l'anomalospize
parasite devienne de plus en plus habile à maquiller ses œufs pour qu'ils
ressemblent à ceux de la prinia, laquelle, de son côté, devient de plus en
plus habile à détecter l'imposture ». Pour aboutir à cette déduction, des
séries de « tests de rejets » ont été conduites en Zambie à l’aide d’une
caméra numérique, capable d’analyser la complexité des couleurs et des
motifs recouvrant les œufs de manière bien plus rigoureuse que l’œil humain.
De fait, la vision humaine diffère largement de celle des oiseaux, lesquels
distinguent une gamme de couleurs bien plus étendue que l’homme.
Les prinias se sont révélées remarquablement douées
dans l’art de détecter des œufs étrangers sur la seule base de différences
minimes dans la couleur et les motifs. D’après l’étude, « les
caractéristiques utilisées par les prinias pour rejeter un œuf sont
exactement celles qui différencient le plus leurs œufs de ceux des oiseaux
parasites ». Ce constat impliquerait que les coucous parasites évoluent afin
d’imiter de mieux en mieux les œufs de leurs hôtes, se livrant à une « lutte
évolutive » qui dure depuis 20 millions d’années.
Cécile Cassier
1-
Publiée par les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS),
l'étude a été financée par la Royal Society, le Conseil de recherche en
biotechnologie et en sciences biologiques (BBSRC) et le centre d'excellence
DST/NRF en Afrique du Sud.
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