Avec le réchauffement climatique, les énergies fossiles sont dans la
ligne de mire des écologistes. Mais au cas où la démonstration de leurs
impacts sur l’environnement n’aurait pas encore convaincu tout le monde, une
équipe de scientifiques canadiens vient de mettre en évidence que la
pollution sonore générée par l’exploitation du pétrole et du gaz a un impact
important sur les oiseaux.
Le bruit des activités humaines, entre autres autoroutes, aéroports, ou
zones urbaines, représente une nuisance importante pour la faune sauvage.
Les animaux se déplacent, évitant les espaces bruyants, pour y revenir
parfois dans les moments plus calmes. L’industrie des énergies fossiles
génère, pour sa part, un bruit intense en continu, et on parle alors de
pollution sonore chronique. Les compresseurs, qui maintiennent les flux de
gaz ou de pétrole dans les pipelines, sont actifs 24h/24, 365 jours par an,
avec une puissance sonore allant de 75 à 105 décibels (sur l’échelle sonore,
100 dB correspond au bruit d’un marteau piqueur dans la rue). L’effet peut
se faire ressentir jusqu’à 700 mètres alentour.
Une étude scientifique, menée en Alberta, une région boréale qui connaît un
fort développement des industries de l’énergie, a comparé les densités
d’oiseaux dans les zones affectées avec celles des zones plus silencieuses.
Une différence de 20 à 50 % a été constatée, avec des effectifs de plus en
plus réduits à mesure que l’on s’approche des compresseurs. Des observations
de même grandeur avaient été réalisées en France dans le cas des routes.
Mais ici, les collisions avec les véhicules étaient aussi une cause de
raréfaction. Dans le cas d’Alberta, le bruit est le seul facteur explicatif.
L’information acoustique est très importante pour les oiseaux, et elle est
fondamentale pour la reproduction. Lorsque les mâles se trouvent à proximité
du bruit des compresseurs, ils sont beaucoup moins à même de se faire
entendre pour attirer les femelles. Dans le même ordre d’idées, la survie
des jeunes repose également sur la communication, et dans un environnement
bruyant, les parents ne peuvent plus percevoir les cris d’appel ou d’alerte
aux prédateurs, ce qui réduit considérablement le taux de réussite des
couvées. Le chant des oiseaux a également une fonction de défense passive du
territoire. Avec la pollution sonore, les individus se repèrent moins
facilement et le manque de « visibilité » acoustique des territoires
augmente les risques de rencontre et d’affrontement, et provoque un stress
important. Une fécondité plus réduite, un facteur stress plus important, la
pollution sonore a des impacts parfois sous-estimés sur les populations
oiseaux.
En conséquence, sur la région étudiée, à la perte d’habitat liée à
l’exploitation (coupe rase de près de 10 000 ha de forêts, correspondant à
la disparition d’environ 27 000 passereaux) si l'on ajoute les 300 mètres
d’influence autour de chacun des 5 000 compresseurs de la zone, c’est plus
de 85 000 oiseaux qui ont disparu, démultipliant l’impact premier de
l’industrie du gaz et du pétrole.
Elisabeth Leciak
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